Description
Une petite biographie sommaire,
et parfois contestable
Savez-vous que Jeanne d’Albret (1528-1572), reine de Navarre notoirement connue pour être la mère d’Henri IV et accessoirement la nièce de François Ier, adorait jouer à la belote ? Qu’elle avait installé un système d’interphone dans le château de Pau, dispositif constitué de deux pots de yaourt reliés par une ficelle ? Qu’elle avait ouvert une fumerie d’opium oecuménique ? Qu’Henri IV avait eu un frère jumeau, Ludovic, sommé d’aller explorer l’Abyssinie ? Non ?
C’est normal, car ces faits-là ne sont que mensonges grossiers. En revanche, vous trouverez dans cette biographie épatante et un peu décalée des informations honnêtes sur ce que nous savons de la vie de ce personnage marquant de la France du XVIe siècle, celui des guerres dites de religion.
Dans une pagination réduite – 16 pages de texte et 16 pages d’illustrations décalées -, la vie de Jeanne est replacée dans ce contexte sanglant.
Petite digression historique…
(trop courte pour être indiscutable)
Le XVIe siècle est l’époque où le mouvement protestant prend racine, en Angleterre avec Henry VIII, en Allemagne avec Luther, en France et en Suisse avec Calvin. Né d’une volonté de réforme interne visant à la condamnation des excès d’un clergé vénal et dépravé, et d’une haute hiérarchie pratiquant le trafic des indulgences, ce mouvement prône le retour aux sources – les Evangiles et l’Ancien Testament, et rien de plus – et le sacerdoce universel, terme obscur pour le néophyte signifiant que tout un chacun peut se prévaloir d’un lien direct avec Dieu sans l’intermédiaire d’un clergé. Avec Calvin, cette volonté de réforme devient bientôt clairement schismatique, s’opposant frontalement à l’autorité du pape et déclenchant une franche hostilité. Les idées de la Réforme trouvent bientôt un écho favorable dans toutes les strates de la population, y compris parmi les têtes couronnées qui entendent être maîtres chez elles. Les guerres dites de Religion apparaissent alors pour ce qu’elles sont : autant que des guerres d’idées, des luttes pour le pouvoir, du pape contre les monarques rebelles, des Guises contre les Bourbons leurs cousins.
Et Jeanne, dans tout ça ?…
Jeanne d’Albret est l’héritière, par son père, du royaume de Navarre et de nombreuses autres possessions en royaume de France – point de loi salique en Navarre : Albret, comtés de Foix, d’Armagnac, de Bigorre, de Rodez, vicomté de Limoges, Périgord, Marsan, Lomagne, Nébouzan, mais aussi le Béarn, considéré comme Etat indépendant. Le royaume de Navarre a, pour l’essentiel – le versant ibérique -, été annexé par le roi d’Espagne seize ans avant la naissance de Jeanne, et les rois de Navarre successifs, souverains en exil, chercheront par tous les moyens à récupérer l’essentiel de leur territoire ; la minuscule Basse-Navarre, située sur le versant français, reste en effet la seule partie de l’ancien royaume transfrontalier encore en leur possession.
Par sa mère, Jeanne d’Albret est nièce de François Ier, souverain encombrant qui la mariera de force – elle n’a que 12 ans – à Guillaume de Clèves, trentenaire héritier d’un lointain duché rhénan. La diplomatie européenne est alors dominée par la puissante Espagne, avec l’immense empire des Habsbourg et ses possessions américaines, et la France ; l’Angleterre, puissance montante, s’efforçant de jouer les outsiders.
Bientôt convaincue par les idées de la Réforme, Jeanne d’Albret entend faire valoir ses droits de souveraine et fait progressivement du calvinisme – à partir de 1560 – la religion d’Etat en Béarn, lequel constitue un laboratoire du protestantisme en Europe. Elle se heurtera aux Valois, en particulier à Charles IX, fils de son cousin Henri II, et à la veuve de ce dernier, Catherine de Médicis (1519-1589), femme de pouvoir et fine politique. Pourtant, tout n’oppose pas ces deux femmes habiles et plutôt pacifistes. Le rapport de force est inégal entre la douairière de France et la souveraine de la minuscule Navarre, et Catherine sera sans doute plus conciliante mais aussi plus retorse que Jeanne, plus intransigeante et plus attachée à ses convictions religieuses.
La branche des Valois s’éteignant faute d’héritier direct, par un pied de nez de l’Histoire, c’est le fils de Jeanne qui montera sur le trône. Henri III de Navarre, devenu Henri IV, apparaît comme la synthèse d’une Jeanne d’Albret fidèle à ses convictions et soucieuse du bien-être de son peuple, d’un Antoine de Bourbon, son pêre, chef de guerre volage non dénué de panache mais plus ambitieux que modèle de droiture, et d’une Catherine de Médicis habile politique et recherchant la conciliation – le jeune Henri a passé plus de temps à la cour de France, où a été faite son éducation, qu’en Béarn et Navarre !
Jeanne d’Albret subit donc une situation qu’elle ne peut maîtriser. Mais à sa manière, elle saura résister et rester fidèle à ses convictions. Si elle fait du protestantisme la religion d’Etat en Béarn, elle le fera avec une certaine mesure, ne sévissant qu’en dernier recours face aux quelques seigneurs béarnais récalcitrants, n’allumant jamais de bûcher pour arriver à ses fins : ” Je ne fais rien par force ; il n’y a mort, emprisonnement ni condamnation qui sont les nerfs de la force ” affirme-t-elle à l’encontre des fanatiques des deux camps, allant même jusqu’à prôner la liberté de conscience – cela, plus par réalisme politique que par conviction.