Enfermé dans l’utérus d’une chèvre

12,00

Laurent Frontère
Éditions Bretzel
166 pages
14 x 20,5 cm
12 euros
ISBN 978-2-9574687-1-3

UGS : 978-2-9574687-1-3 Catégories : , , ,

Description

Traduction, trahison ! La complexité des langues est telle que le travail de traducteur ne saurait être fait que d’à-peu-près et de compromis.
Confier la tâche, non à un spécialiste fin lettré, pétri des deux cultures, mais à une machine – un traducteur automatique en l’occurrence –, c’est courir à la catastrophe ! Mais si votre intention est d’en déguster le cocasse, vous serez servi : par une facétie dont le numérique a le secret, le Bohémien peut se retrouver transformé en hippopotame, le veau en petite fleur, et la muse en banane. Au travers de textes choisis, le lecteur découvrira l’absurdité de cette nouvelle tour de Babel, avec une nouvelle conviction : traduction automatique, trahison… automatique ! Il entr’apercevra aussi les conséquences fâcheuses de l’hégémonie de la langue anglaise sur les performances de tels outils. Car, que l’on ne s’y trompe pas : les enjeux, politiques, culturels et économiques, sont ici considérables.

Exemple de carbonisation linguistique

  On trouvera ci-dessous un exemple de petit jeu que peut nous offrir Google Traduction, traducteur automatique largement diffusé. Le dormeur du val a ainsi été traduit en vingt-et-une langues différentes, puis retraduit en français. On a choisi pour chaque vers la pire des traduction, ou la plus cocasse. Original et traduction sont ici donnés en alternance…

Le dormeur du val
 Tu peux dormir dans les buissons

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
 Ce qu’une rivière chante, c’est un trou de feuillage
Accrochant follement aux herbes des haillons
 Qui colle sauvagement à l’herbe à poux argentée ;
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
 Où le soleil est aux orgueilleux qui se sont levés contre les mouches
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
 Avec les rayons de quelques uns dans la vallée.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
 Une jeune bouche vigoureuse avec la tête sans tête
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
 Et le cou sculpté dans un nouveau style bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
 Mentait ; il pâlit dans l’herbe, sous le nuage,et se couche
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
 Sur son canapé vert, à sa place habituelle pour la lumière.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
 Le sac en glaïeuls gisait. Un enfant malade
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
 Sourit quand il sourit, il hoche la tête :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 Nature, secoue-le avec de la lessive : c’est cool.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
 La betterave ne vous met pas l’eau à la bouche ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
 Il dort pendant la journée, les bras sur la poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
 Et se tait. Il y a un trou rouge à gauche de la route.

2e cahier de Douai (1870), Arthur Rimbaud (1854-1891)

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Poème écrit à 16 ans, peu après la capitulation de Sedan. Autant dire que Rimbaud pouvait facilement s’imaginer dans la peau d’un conscrit !
Cette herbe à poux venue d’on ne sait où est une ambroisie du Québec nommée Ambroisia trifida. Sans doute a-t-elle été inspirée par ces haillons, fussent-ils d’argent.
Ceux qui n’aiment pas trop la betterave ne seront pas très étonnés d’apprendre qu’elle ne leur met pas l’eau à la bouche.
Mais pourquoi le côté droit s’est-il transformé en côté « gauche de la route » ? Sans doute parce que les anglais roulent à gauche et que le traducteur a voulu faire du zèle !