Description
Bien sûr, il y a un clin d’œil à Alphonse Daudet dans ce recueil de onze nouvelles qui s’inscrivent dans un terroir régional bien défini, le Béarn de l’Entre-deux-gaves, dans le Piémont pyrénéen, certes éloigné de la Provence chère au cher Alphonse. Et puis, le moulin est ici un moulin à eau, et non à vent. Mais l’essentiel reste : ces nouvelles sont des courts récits dont les personnages sont les archétypes des sociétés paysannes traditionnelles. On trouve ainsi le valet de ferme, l’évêque ou le curé, le paysan madré, le jeune soldat rentrant de son service, le meunier plus ou moins honnête, le paria, l' »innocent ».
Les nouvelles, souvent piquantes, parfois tragiques, prennent leur source dans l’histoire régionale en en faisant ressortir ce qu’elle a de plus singulier : unt Etat resté longtemps indépendant, marqué par les guerres de religion et les guerres napoléoniennes,…
Mais les sentiments, eux, qu’ils soient nobles ou sordides, sont universels. Et ce n’est pas parce que certaines de ces histoires ont la tonalité d’un conte et une dimension moraliste et humaniste assumée qu’elles sont définitivement marquées par la caricature et exemptes de subtilité. La superstition y côtoie le scepticisme ; la vertu, les petites compromissions ; la grandeur d’âme, la rouerie et la bêtise… le tout parfois dans le même individu dans une description nuancée de l’âme humaine.



Salies-de-Béarn est une station thermale dont la source salée est la propriété indivise de ses premiers habitants et de leurs descendants. Il s’agit d’une singularité sans équivalent dans le droit français qui, au début du XIXe siècle, conduisait certains jeunes gens à se marier, à la veille de leur service militaire, avec leurs aînées parfois octogénaires. L’auteur nous raconte ici l’un de ces mariages. Mais ici, tout ne se passe pas exactement comme l’espérait le jeune homme…
Un valet de ferme se fait martyriser par son maître dans un petit village de l’Entre-deux-gaves, Montestrucq. La chose était bien trop courante au cours des siècles passés pour être signalée. Mais le maître cruel sera à son tour puni, hanté par le défunt valet et se croyant victime d’un châtiment divin. L’auteur adopte ici les ressorts comiques des contes populaires, avec une dimension merveilleuse que l’on peut supposer n’être que le fruit de l’imagination du tortionnaire.
Le chevalier d’Andouins, lointain descendant de la belle Corisande, de retour d’un voyage aux Amériques, vient s’installer à Sunarthe, sur les hauteurs de Sauveterre-de-Béarn, avec quelques idées progressistes, des tourments et un individu exotique ramené dans ses bagages du lointain Canada. Son aventure se heurtera aux préjugés religieux et aux conservatismes, mais connaîtra aussi quelques succès notables. Le siècle est celui des Lumières. Viendra alors la Révolution…
Au XIIIe siècle, les ponts sont rares sur nos rivières. Celui de Sauveterre, sur le gave d’Oloron, est prestigieux car il a connu son miracle : une ordalie ou jugement de Dieu qui vit la vicomtesse de Béarn, la reine Sancie, innocentée d’une accusation diffamante. À Orthez, un pont vient d’être construit qui enjambe le gave de Pau et les habitants voient d’un bon oeil la perspective d’une ordalie que leur offre le très cruel évêque d’Oloron, car elle vaudrait bénédiction divine. Mais l’histoire ne se répète pas toujours…
Le Béarn resta longtemps un état indépendant de religion protestante. Aussi, la période des guerres de religion y fut-elle particulièrement cruelle. À Lucq, village béarnais où une abbaye prospère fut rasée par Jeanne d’Albret, à l’heure de la Contre-Réforme, nombre sont ceux qui n’ont pas renoncé en privé au culte réformé. Dans ce contexte, une hostie devient une arme diabolique dans les mains d’un de ces chrétiens faussement convertis. Cette histoire est inspirée d’un fait divers dont on a conservé la mémoire.
En cet été 1807, à Salies, les eaux du Saleys, petite rivière du Béarn semblent plutôt calmes même si des crues de printemps peuvent le transformer en un fleuve tumultueux. Pourtant, un certain Poupebii débarque en ville, terrorisé, et affirme à qui veut l’entendre qu’un monstre marin en est sorti pour avaler toute crue sa petite chienne Duchesse. Les badauds s’esclaffent car ils savent que l’homme s’adonne à la boisson avec une passion rare. Mais s’il disait vrai ?…
En Gascogne, les cagots étaient des parias dont l’origine mystérieuse – lépreux, hérétiques ou reliquats wisigothiques ? – remonte au Haut Moyen-Âge. La discrimination dont ils sont victimes est mise à mal par la Révolution. Mais les mentalités perdurent tant le rejet est ancré dans l’esprit des bourreaux comme des victimes. Au XIXe siècle, une de ces jeunes parias parviendra à échapper à ce sombre destin, fuira vers l’Amérique, y connaîtra fortune pour revenir au pays avec une dignité retrouvée.
Lors des guerres napoléoniennes, un bandit de grand chemin et sa troupe s’installent sur une voie de passage pour prélever leur dîme. Ils sont arrivés d’Espagne avec les troupes alliées de Wellington et vivent sur le pays en bonne intelligence avec les fermes voisines. La tête de ces reîtres ne tarde pas à être mise à prix. Mina n’est pas fondamentalement mauvais, mais son existence de guerillero ne lui a pas permis de se révéler sous son meilleur jour. Sa pie semble constituer un lien ténu avec une humanité aimante…
En 1836, il n’y a pas de retraite quand on arrive à la soixantaine, usé par une vie de labeur. Deux frères, vieux fabricants de tuiles, s’inquiètent d’un fin de vie qu’ils redoutent. L’argile devient de plus en plus dure à travailler et la terre leur semble de plus en plus basse. Les rhumatismes sont bien installés. Vertueux, les deux frères ne jurent pas, ne boivent pas et sont honorablement estimés de leurs voisins. Mais un beau jour, leur vie va basculer quand s’ouvre la perspective d’une fortune vite faite.
À Ozenx, non loin de l’église, il existe une petite maison d’allure modeste en bordure de route. Celle-ci semble bien ordinaire, mais elle a une particularité : à l’intérieur, une source jaillit au milieu de la pièce unique. On prête à ses eaux des vertus thérapeutiques car elles soigneraient certaines maladies de peau. La maison a un nom étrange : Gaube-Limac, ou Gobe-Limace. L’auteur retrace ici l’histoire de ses occupants pour le moins étonnants et de l’apparition quasi-miraculeuse de la source.


